Aux antipodes de l'évangélisme : Wilfred Monod

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Qui ne connait le professeur Théodore Monod, zoologiste dépendant du Museum d'histoire naturelle, membre de l'Académie des sciences, arpenteur infatigable des déserts africains, auteur de nombreux ouvrages qui font référence, décédé il y a quelques années ?

Dans les milieux protestants, hélas, son père, le pasteur Wilfred Monod (1867-1943), est moins connu que les actuels télé-évangélistes qui sévissent aux Etats-Unis.
 Il fut notamment pasteur du temple de l'Oratoire du Louvre (Paris) et professeur à la Faculté libre de théologie de cette même ville.

La théologie de Wilfred Monod est assez particulière. En effet, à l'instar des manichéens, il postule l'existence de deux dieux, et provoque l'horreur des évangéliques et même de certains protestants "classiques". Ces prises de positions n'empêchèrent pas qu'il fut christocentriste.
 Il créera, après la première guerre mondiale la Fraternité des Veilleurs, à tendances franciscaines et pacifistes. Sa vie durant il combattra la théologie naturelle.

En 1906 il publie un ouvrage "Aux croyants et aux athées" (Fischbacher éd., 1906), qui fit grand bruit. Voici quelques extraits significatifs de sa pensée Je rejette les dieux cruels et débauchés des peuplades africaines; je rejette Brahma, Ormuzd, Allah et même Jéhovah quand il ordonne de massacrer, dans une ville prise, femmes, enfants et animaux; je rejette enfin le Dieu des chrétiens, quand on le représente comme un implacable bourreau, torturant ses créatures dans les flammes d'un Purgatoire, et n'abrégeant le supplice que pour les âmes des riches, des rentiers qui, par testament, ont déposé une somme rondelette chez quelque notaire, pour faire dire des messes après leur mort. Messieurs, à l'égards de toutes ces divinités là, je suis athée!  Wilfred Monod s'adressait ici aux libres-penseurs qu'il respectait infiniment.
Dans le même ouvrage il se réfère à John Stuart Mill : Songez que cet Etre a fait l'Enfer, qu'il a créé l'espèce humaine, avec la prescience infaillible, et par conséquent, avec l'intention que la grande majorité des hommes fussent voués, pour l'éternité, à d'horribles souffrences". Messieurs, je comprends que l'on répudie un Dieu pareil.

Pour le pasteur Monod le centre de l'Evangile est le sermon sur la Montagne, et singulièrement les Béatitudes : Heureux les affamés et les assoifés de la justice, ils seront rassasiés - Heureux les artisans de paix ils seront appelés fils de Dieu - Heureux ceux qui pardonnent, ils seront pardonnés - Heureux les persécutés pour la justice, le Royaume leur appartient - etc. Remarquons qu'il n'est pas dit, dans les Béatitudes "Heureux ceux qui croient en Dieu, ils ne seront pas damnés".  Dans le même esprit que Wilfred Monod, un prêtre catholique dit un jour "Je ne croirai jamais en un Dieu qui damnerait celui qui ne l'a pas reconnu à travers les petits qu'il a aidé".

Nous mettons au défi de démontrer que l'homme qui arpenta les routes de Palestine fonda jamais une religion. On nous rétorquera par le fameux verset, cité mille fois, "Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise". Il n'est pas possible de croire que le rabbi Jésus avait l'intention de créer une institution dans la durée, alors qu'il annonçait l'imminence du Royaume" !
La religion chrétienne est l'oeuvre d'un homme de génie : Paul, qui écrivit ses épitres avant que naissent les Evangiles. Lui aussi annonçait l'imminence du Royaume, encore que dans une de ses lettres il admet que la chose tarde à venir.
 Il fallait donc bien qu'à défaut de la Parousie (retour du Christ), soit créée une Eglise pour faire patienter les hommes, qui ne font que celà depuis près de 2.000 ans ! Notons qu'il ne se passe pas une année sans qu'un prédicateur agité n'annonce "la fin des temps et le retour du Christ". Certains mouvements  religieux, tels les Adventistes du 7e jour, les Témoins de Jéhovah, les darbystes et d'autres encore, ne font pas autre chose. Et des millions d'humains , et suivent ces "sectes" (nous n'apprécions guère cet qualificati de "sectes").

Ces mouvements, mais aussi les Eglises évangéliques (quelle est la différence entre une Eglise et une secte? Question à cent balles), accablent leurs fidèles en ne cessant de mettre le doigt sur les péchés des hommes, le plus grand étant de ne pas croire, les menaçant de tomber, après leur mort, dans "l'étang de souffre et de feu qui ne s'éteint point". La chose est odieuse. Au contraire, le pasteur Monod, tout protestant qu'il était, certes quelque peu "hérétique", disait le contraire et citait le grand Jaures : Le courage c'est de dominer ses propres fautes, d'en souffrir, mais de n'en n'être pas accablé et de continuer sa route. Le courage c'est d'aimer la vie et de regarder la mort d'un regard tranquille; c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel, c'est d'agir et de se donner aux grandes causes, sans savoir quelle récompense réserve à notre affort l'univers profond, ni s'il lui réserve une récompense.

Monod va plus loin encore, citant Thurston (Socialism en the Church) : Scientifiquement discréditée, rouge du sang qu'elle a répandu, l'Eglise prétend dire au monde comment il doit résoudre ses problèmes. Mais que peut-elle pour lui ? Elle est tournée vers l'autre monde. Or, quelle est la question primordiale pour l'humanité ? Quel est le but vers lequel ont toujours tendu les multitudes pendant des siècles ? La justice, le bonheur, l'accomplissement (...) Le travailleur a sans cesse réclamé le produit de son travail.Et l'on sait ce qu'a été le développement du capitalisme depuis cent ans. (...) Et où est l'Eglise aujourd'hui ? Fait-elle une chose quelconque pour la solution d'un problème quelconque ? De l'Eglise nous n'avons rien à attendre... 
Quel réquisitoire ! Les Eglises ont elles changé ? Quelque peu en ce qui concerne certaines. Mais le retour du religieux fondamentaliste remet le peu qu'elles ont fait en cause. Le fondamentaliste a ceci de dangereux, comme le disait le pasteur Monod, qu'il encourage ses membres à former des communautés dont les membres ont le regard fixé sur le ciel, et rarement sur la pauvreté des 2/3 de l'humanité.
Elles entendent bien que les principes de laïcité soient remis en cause. Hélas, des dirigeants d'Eglises non fondamentalistes font de même. Ils ne cessent de réclamer "un aménagement de la laïcité", dont on ne sait que trop bien ce que cela veut dire. Et ce n'est pas le Président actuel de la France qui va défendre la laïcité !

S'il y a un athéisme qui est une révolte contre Dieu, n'y aurait-il pas un athéisme qui est une protestation raisonnée contre la notion traditionnelle de Dieu, protestation qui s'appuie à la foi sur la science et la conscience ? (...) il nous impose la tâche ardue et solennelle de réviser, sur tel ou tel point, notre notion de la divinité. (...) Or, d'après le tradition chrétienne, il existe un Dieu omniprésent et omnipotent. Mais s'il est  omniprésent dans la nature, il n'est pas intelligent, car l'esprit immanent produit des monstres. Et, d'autre part, si Dieu est omnipotent dans l'histoire, il n'est pas bon, car la Providence laisse libre cours aux pires souffrances.

Le pasteur Monod citait ici un auteur athée, Jefferies, qui ajoutait : L'esprit réclame davantage, quelque chose de plus haut que la prière, quelque chose de plus haut qu'un Dieu ! Monod disait comprendre cette affirmation dans la bouche d'un homme qui voulait, pour ses frères, un monde qui soit réellement digne d'eux. Un monde où règnerait la Justice. Une justice que les évènements actuels démontrent que nous en sommes encore loin. Ne sont-ce pas les petits qui vont payer la note d'une crise économique qui n'est pas prête de finir ?

C'est toujours le drame du Calvaire qui recommence. Et bien ce Dieu vaincu est celui qui parle à mon coeur. Je ne pourrais pas adorer une divinité qui serait responsable de la continuation du monde actuel.  Avec Wilfre Monod nous sommes bien loin  des prêches de nos prêtres et pasteurs...

Quel athée, quel agnostique refuserait de reconnaître la grandeur du message de Wilfred Monod, cet homme d'Eglise qui fut vilipendé parce qu'il respectait et comprenait l'athéisme ?

Hélas, en France, la Fédération protestante a accueilli en son sein des Eglises évangéliques, et son président actuel l'est, d'ailleurs ! L'Eglise protestante unie de Belgique a passé un accord avec des Eglises de ce type, un accord administratif disent les reponsables de l'EPUB, mais l'on voit des pasteurs évangéliques monter en chaire dans des paroisses réputées "orthodoxes". Il nous arriva un dimanche de nous lever et d'apostropher le pasteur évangélique qui prêchait ce jour là dans la paroise que je fréquente de temps à autre et qui faisait preuve d'un machisme d'un autre âge.

Le combat laïc est plus que jamais d'actualité. La franc-maçonnerie adogmatique, dite aussi libérale, se doit d'être en tête de ce combat, aux côtés des croyants libéraux. Souvenons-nous qu'a existé une "Union des libres-penseurs et libres-croyants pour le progrès moral". Ce mouvement a disparu, mais rien n'empêche les hommes libres de s'unir à nouveaupour se battre, sans concessions, contre les croyants fanatiques.


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P
Supposition : Si le Christ faisait bien partie de la faction des thérapeutes esséniens ( qui pratiquaient l'alchime et qui était autorisés à vivre en couple en retrait de la communauté), il est possible qu'il ait voulu dire dans un langage codé sur cette pierre, cette médecine, je bâtirai mon église...?<br /> On parle tout de même de cas de guérisons.<br /> J'émets donc une hypothèse.(!)
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J
Oui, Stéphane, une escroquerie de plus à son actif !
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S
"je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église". Cette phrase m'a toujours fait rire : jeu de mots idiot sur petra (pierre) et Petrus (Pierre)... Oui, mais il est improbable que Jésus parlât latin à ses disciples. Grec ? la pierre se dit lithos. Araméen ? Heu... je ne sais pas, mon araméen est un peu rouillé :-) En gros, on peut donc supposer que cette parole fondatrice de l'Eglise catholique et romaine ne soit qu'apocryphe. Une escroquerie de plus à son actif, donc.
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J
je vais te faire une confidence : je n'aime pas les bisous. je préfère les accolades !<br /> Cependant je t'embrasse quand même.
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P
Coucou Jacques,<br /> <br /> je t"embrasse aussi mais pas à la mode russe mais à la mode paulinienne ....
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