Il savait dire non !

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Lors de la cérémone d'hommage au grand bonhomme que fut Hem Day, en 1969, quelques temps après sa mort,  au Mundaneum, un de ses amis dit "c'était un Homme, il savait dire non!".
De son vrai nom Marcel Dieu (!), il naquit, non pas le jour où le fils du roi naqua, mais le 30 mai 1902, dans le "Pays noir", c'est à dire la région minière du Centre. Minière à l'époque car, depuis...
Contestataire très tôt, lui, fils d'un boucher, devint végétarien et n'hésita pas à passer et repasser devant la boutique de son paternel portant une pancarte  fustigeant les mangeurs de cadavres ! La vérité oblige à dire qu'il ne resta pas végétarien toute sa vie, car il était gourmand.
Ami des bêtes, certes il le fut, mais aussi ami des hommes. C'est pourquoi il adhéra très vite aux idées libertaires et à la Libre-Pensée. Problème : il s'appelait Dieu !  Lassé d'entendre, dans les réunions et les congrès de cette société anti-cléricale, "la parole est à Dieu!", il décida de prendre un pseudonyme, Hem Day, ce qui mit fin aux railleries de quelques uns.
Pacifiste intégral, libertaire authentique et non de salon, il fut de tous les combats contre la guerre qui s'annonçait. Ant-fasciste, il participa au Secours Rouge, qui venait en aide aux républicains espagnols. Il écrivit article sur article donna conférence sur conférence, bref, se battit comme un beau diable contre la nauséeuse bètise. Cela ne lui valu pas que des amis.
Il collabora également à la revue anarchiste L'Emancipateur, crée par un militant de la région liégeoise, Camille Mattart, de Jemeppe-sur-Meuse. C'est le moment de signaler que si la commune voisine de Jemeppe, Ougrée, eut longtemps une rue Staline, devenue rue de la Démocratie, jamais ni Jemeppe ni  Ougrée n'eurent une rue Mattard...
Comme je l'ai écris dans Illustres et francs-maçons, ouvrage coordonné par Luc Nefontaine et paru aux éditions Luc Pire en 2004 "Quant à la capitale de la Belgique, il y a fort à parier qu'elle ne connaîtra jamais un boulevard Hem Day. Et pourtant, jusqu'il y a encore quelques années, les diverses paroisses de VBruxelles commémoraient la "Fête-Dieu". Mais s'agissait-il du même?"
"Le gros", comme l'appelaient affectueusement ses amis, créa la Ligue de défense prolétarienne, pour tenter d'unir les divers mouvements anarchistes. Ce ne fut pas un succès. D'autant plus que L'Emancipateur avait disparu. Hem day fit alors paraître Combat , alors qu'il avait émigré à Bruxelles, où il ouvrira plus tard une bouquinerie.
Laissons la parole à son complice Léo Campion ("J'ai réussi ma vie" aux éditions du Borrego, Paris, 1985) : " J'habitais alors chez hem Day. Il tenait boutique de bouquiniste à Bruxelles (...).
La Belgique était à l'époque le refuge des proscrits politiques italiens et espagnols surtout (parmi eux les leaders anarchistes catalan Ascaso et Durruti) et aussi des déserteurs et insoumis français. Rester sourd à l'appel sous les drapeaux n'est pas surdité, mais insoumission. La boutique de Hem Day, son arrière-boutique et le reste de la maison était le centre de raliement de réfufiés politiques de tous acabits, en visite, de passage, ou y logeant. Il y avait là des individualistes anarchistes, des socialistes libertaires, des anarcho-syndicalistes, des pacifistes inconditionnels, des terroristes et des non-violents, des révolutionnaires et des révoltés, des chrétiens libres, des athées et des agnostiques, des illégalistes (tenant officine de faux papiers d'identité), des néomalthusiens (spécialistes de l'avortement clandestin), des nudistes "in door" (on rencontrait des garçons et des filles à poil sur un palier ou dans l'escalier), des espérantistes, des communautaires, des végétariens,, des virtuoses de la cambriole, des farfelkus, des amour-libristes et des farceurs. Tous aimaient la palabre."
Parait alors un nouveau mensuel Rebelle. Combat, lui cesse de paraître. Il n'y avait pas place pour deux organes anarchistes alors que cette mouvance comptait peu de militants. cependant, en 1928 reparaît L'Emancipateur.
Infatigable, Hem Day participe à la tenue du troisième congrès de l'Association Internationale des Travailleurs et à un congrès anarchiste à Liège. Il se donne également à fond pour sauver Bartomomei, jeune militant anarchiste emprisonné à Liège et menacé d'être remis à la justice (sic) mussolinienne. Il gagne la partie.
En 1933, Hem Day et Léo Campion comparaissent devant le Conseil de Guerre pour avoir renvoyé leurlivret militaire au Ministre compétent, Albert Devèze, leur frère en franc-maçonnerie. Un de leurs défenseurs n'était autre que Paul-Henri Spaak, futur secrétaire général de l'OTAN qui, comme l'écrit Campion (op. c.) "était alors socialiste révolutionnaire, termes accouplés qui furent longtemps un pléonasme avant de devenir un paradoxe"... Témoignent pour nos deux lascars : les écrivains Henri Barbusse,  Georges Duhamel et Victor Margueritte, Isabelle Blume, épouse de pasteur et secrétaire des Femmes Socialistes, le Président du P.O.B. (lequel deviendra après la seconde guerre le Parti Socialiste belge) Emile Vandervelde, Président également l'Internationale socialiste, le professeur Lecat de l'Université catholique de Louvain, quelques autres encore et... Alfons Jacobs, président des Anciens Combattants flamands !.
Campion fut condamné à dix-huit mois de prison, et Hem Day à deux ans car, le bougre, il avait flanqué une torgnole de Dieu le Père à un gendarme, ce qui ne se fait pas reconnaissons le... Ils entreprirent une grêve de la faim qui déboucha sur leurlibération conditionnelle. Ils sortirent de prison en refusant de signer la levée d'écrou ! Pour péché d'objection de conscience ils furent... chassés de l'armée !
Hem Day continue à se battre pour dénoncer l'action de la Guépéou, pour soutenir les révolutionnaires espagnols qui avaient déclenché une insurrection libertaire, contre l'espionage politique, pour le droit d'asile.
Lorsque le sinistre Francodonne le signalede la révolte contre le régime légal espagnol, il se lance dans la bataille, par la plume, et dénonce notamment l'alliance de l'Eglise et du fascisme. Il se rend en espagne pour participer à des congrès de la Fédération Anarchiste Ibérique et de la Confédération Nationale du Travail (anarcho-syndicaliste).
Entretemps il avait créé le groupe Pensée et Action qui vécut jusqu'à sa mort. La revue du même nom publie de nombreux articles. Cependant Hem Day est déçu par le fait que les différents mouvements anarchistes refusent de s'entendre et de s'unir pour être plus forts, alors qu'affluaient des réfugiés espagnols et que leur accueil n'était pas simple.
Lorsque les nazis entrèrent en Belgique, un certain nombre d'anarchistes choisirent la Résistance, d'autres, peu nombreux, la lâcheté... Lorsque la boucherie cessa hem Day fit reparaître Pensée et Action. Premier numéro d'après-guerre, le 20 septembre 1945. De nombreux articles sur des sujets politiques, philosophiques, littéraires, furent publiés, malgré des difficultés financières récurentes.
Il reprit ses tournées de conférences, parcourant la Belgique, mais sa santé déclinait. Il constitua néanmoins une "Action Commune Libertaire" qui fonctionna quelques temps, dénonçant le militarisme du gouvernement Pholien. Mais des dissensions éclatèrent et l'A.C.L. disparu, tandis que Pensée et Action continuait à régaler les hommes libres.
Hem Day fut Franc-Maçonà la Loge "Vérité" de l'obédience internationale mixte le Droit Humain. Il vécu en parfait maçon, et s'éteignit fidèles à ses options philosophiques et libertaires. Ceux qui, comme moi, ont eu la chance de le rencontrer, ne l'oublieront jamaisd.
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J
J'ai oublié de signaler que cet anarchiste a légué une partie de sa collection de journaux et revues à la... Bibliothèque royale ! C'était un homme libre.
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P
Problème : il s'appelait Dieu ! Lassé d'entendre, dans les réunions et les congrès de cette société anti-cléricale, "la parole est à Dieu!", il décida de prendre un pseudonyme, Hem Day, ce qui mit fin aux railleries de quelques uns.<br /> <br /> <br /> c'est une blague de Dieu ...en fait !!!!
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